Les solutés de perfusion aux urgences

Introduction:

 

Si vous avez toujours prescrit plus ou moins toujours les mêmes solutés sans vraiment savoir pourquoi d’ailleurs, si les seuls souvenirs que vous ont laissé vos études sont qu’il faut perfuser du sérum physiologique à tout le monde sauf peut-être à l’OAP qui mousse, alors ce billet est fait pour vous.

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Pour essayer de faire passer les messages principaux plus simplement et éviter d’en perdre un trop grand nombre, je vais bâtir cet article à travers deux principales facultés d’un soluté. Savoir ce qu’on attend d’un soluté nous permettra de savoir ce qu’on peut en faire en pratique, ce qui est au fond le but de ce billet.

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Essayons donc de nous figurer un soluté à travers sa tonicité, et son pouvoir volémique. Si vous comprenez ces deux notions vous avez tout compris. Diverses combinaisons de ces deux propriétés sont possibles selon le soluté. Parfois on a besoin d’un soluté pour sa tonicité ( une hyponatrémie à corriger, une HTIC contre laquelle on veut lutter… ), parfois on a besoin d’un soluté pour son pouvoir volémique ( remplir un état de choc ), et parfois les deux paramètres sont importants et il faut alors être vigilant sur tous les paramètres ( par exemple choc hémorragique + TC grave chez traumatisé grave ).

 

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1) Tonicité et volémie:

Rappel physiologique:

 

Pour définir la tonicité d’un produit on se basera sur celle du plasma. Le plasma étant la référence il est dit isotonique. A partir de là on va pouvoir séparer les solutés en hypotonique ( plus dilué que le plasma ), isotonique ( même tonicité que le plasma ), hypertonique ( plus concentré que le plasma ).

 

*La tonicité en gros qu’est ce que c’est: Elle est étroitement liée à la concentration en sel qui est le principal ion osmotique. Un produit isotonique c’est un produit iso-osmotique. C’est à dire qu’il y a toujours le même nombre de particules dans un litre de ce produit, le nombre présent dans le plasma ( =300mOsm/L ). Si on perfuse un liquide hypotonique à un malade ( contenant peu de sel et étant donc moins osmolaire que le plasma ) ce nouveau milieu hypotonique va être séparé de l’intérieur de la cellule resté isotonique, par une membrane dite semi-perméable ( la membrane cellulaire ) qui ne va laisser passer que l’eau et pas les électrolytes et protéines. L’eau va donc diffuser dans le milieu le plus concentré ( l’intérieur de la cellule ) pour équilibrer les dilutions entre les deux milieux. En se faisant, elle va provoquer un œdème cellulaire.

 

 

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C’est dans le cerveau que cet effet est le plus délétère puisque les neurones sont des cellules particulièrement sujettes aux gonflements, de plus la boite crânienne étant inextensible, une augmentation de volume signifie une augmentation de la pression intracrânienne = HTIC. Mais d’autres cellules peuvent faire de l’œdème par des modifications d’osmolarité plasmatique.

C’est donc ça la tonicité, c’est la capacité que va avoir l’osmolarité d’une solution à modifier le volume cellulaire. Elle est entièrement résumée dans l’illustration ci-dessous, c’est ultra-simple il n’y a que trois situations à retenir schématiquement:

 

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*C’est vraiment blanc ou noir avec limite stricte à 300mOsm/L comme sur le schéma ? 

 

Non,  pas vraiment non plus. L’osmolarité physiologique du plasma est entre 280 et 300mOsm/L à peu près.

 

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Comme on le voit sur ce tableau [1], le NaCl 0,9% et surtout l’isofundine sont des isotoniques presque parfaits, le Ringer Lactate est en revanche un peu hypotonique. Comment le savoir sans tout retenir par cœur ? C’est facile, l’osmolarité est marquée sur chaque poche quelque soit la solution (avec quelques pièges qu’on va examiner plus loin) !

 

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*Piège : pourquoi les glucosés ne sont pas des solutés de remplissage, et ont une « fausse » tonicité ?

Certains ont pu lire dans des bouquins ou publication « glucosé 5% isotonique », pour un soluté notoirement connu comme étant profondément hypotonique et n’ayant aucun pouvoir de remplissage. Est-ce une erreur grossière ?
Pas vraiment. Le sucre, à l’image du sel a un pouvoir osmotique / de tonicité qui lui est propre. Ainsi 1L de G5% quand il est encore dans la poche a une tonicité proche du plasma ( 278 mosmol/L, soit un peu plus que le Ringer qui est pour sa part un excellent soluté de remplissage ).

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Mais le problème du glucose est qu’il est immédiatement métabolisé lorsqu’il passe dans le corps humain. Il ne reste donc que de l’eau libre, sans pouvoir volémique, et profondément hypotonique (osmolarité nulle). C’est bien pour cette raison qu’en pratique la tonicité d’un soluté cristalloïde est surtout défini par sa concentration en sel et est parfois simplifiée « Osmolarité plasmatique = Natrémie x 2 » .

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En réalité pour être un peu plus précis:  Osm plasm = 2[Na]+[glucose]+[urée] , ce qui ne donne pas des résultats très éloignés.

La natrémie étant le paramètre principal de la tonicité et donc des mouvements d’eau dans la cellule, on comprends maintenant mieux pourquoi on nous rabâchait en P1 que la natrémie était le reflet de l’hydratation intra-cellulaire.

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*Quand utiliser ou ne pas utiliser un soluté en fonction de sa tonicité ?

 

A) Quand ne pas utiliser un hypotonique :

 

* Dans toute situation de souffrance cérébrale / d’HTIC ( AVC/hémorragie cérébrale, TC grave sous surveillance neuro… ). Le but est bien sûr d’éviter de favoriser ou aggraver un œdème cérébral.

* Dans toute situation d’hyper-hydratation intracellulaire ( hyponatrémie * ), puisque la perfusion d’un hypotonique ne fera qu’aggraver l’entrée d’eau libre dans la cellule et l’hyper-hydratera encore davantage.

* NB: le problème de l’hyponatrémie n’est pas si simple que ça, et concerne surtout l’hyponatrémie « vraie », c’est à dire associée à une hypotonie plasmatique ce qui n’est pas toujours le cas. Pour en savoir plus sur ce sujet spécifique et complexe, rien de tel qu’un excellent billet dédié et détaillé, réalisé récemment par le blogueur Edvard sur legazier.com [2]

B) Quand utiliser un isotonique :

 

Dans toute situation, a l’exception notable de deux cas de figure:

* L’OAP cardiogénique qui mousse jusqu’aux yeux ( situation d’hypervolémie et de surchargée hydrosodée ).

* L’insuffisance rénale terminale anurique. Tout ce que vous donnerez devra l’être avec mesure, tout se paie chez quelqu’un qui n’élimine rien.

En pratique courante ( hors service de réanimation ) le seul isotonique commun est le NaCl 0,9%.

C) Et les hypertoniques :

 

Leur indication phare est le traitement de l’HTIC, les deux principaux solutés sont le mannitol et le sérum salé hypertonique ( SSH ) par exemple le NaCl 7,5%. Les deux ont leur avantages et inconvénients.

Le NaCl 7,5%, très riche en sel et surtout en chlore, donnera plus facilement une acidose hyperchlorémique qui peut être délétère pour le cerveau en souffrance. Le problème du mannitol en revanche est son pouvoir osmotique qui va entraîner une diurèse osmotique pouvant provoquer une baisse de la PAM et donc de la perfusion cérébrale. En définitive, aucun des deux n’a fait la preuve se sa supériorité par rapport à l’autre, les deux fonctionnent ( diminution significative de la PIC, de manière stable sur 2h, comparable entre les deux solutés, et avec une PPC identique dans les deux groupes [3] ). Les auteurs ont cependant une discrète préférence pour le mannitol qu’ils jugent plus maniable, sauf situation d’hyponatrémie ou hypovolémie, où le SSH sera du meilleur effet. Le SSH semble donc particulièrement intéressant en préhospitalier où on rencontrera le plus souvent une population de traumatisés graves pour le traitement de l’HTIC, sans parler de la très fâcheuse tendance du mannitol à cristalliser en dessous de 20° rendant son stockage incompatible avec la pratique préhospitalière.

En gros: déchoc hospitalier = mannitol. Situation particulière du traumatisé grave, hypovolémie / hyponatrémie, et situation préhospitalière = SSH.

Le pouvoir volémique:

 

Le pouvoir volémique c’est la capacité d’un soluté à remplir le malade, c’est-à-dire à rester dans ses vaisseaux. Augmenter la volémie signifie augmenter le retour veineux ( = la pré-charge ) et le volume d’éjection systolique ( loi de starling ), et donc contribuer à l’augmentation du débit cardiaque chez votre malade complètement vide. C’est ce qu’on a tous en tête en « remplissant » un patient: on veut augmenter sa tension, et améliorer la perfusion des organes.

Perfuser 500cc de G5% qui diffuse partout sauf dans le vaisseau, remplira d’eau la cellule et le milieu interstitiel mais ne fera pas bouger la tension artérielle.
Dans les cristalloïdes ( solutés salés ), la volémie est liée à la concentration en sel car le sel a un pouvoir osmotique, il retient l’eau dans le vaisseau.
Par exemple pour le NaCl 0,9% et le Ringer lactate, le pouvoir volémique est équivalent, à peu près 20-25%, c’est à dire que sur 1L de solution, 250mL à peu près restent dans le vaisseau, 750mL partent dans le milieu interstitiel ( en réalité cette proportion change un peu selon l’état volémique du patient et la rapidité de perfusion mais c’est un détail ). Ça peut faire peur, mais malgré ce chiffre assez bas ces deux solutés sont considéré comme ayant un bon pouvoir volémique.

Il est donc capital de savoir quelle question on se pose en choisissant un soluté. Si c’est juste une question de volémie chez un patient vide au bilan non perturbé et qu’il faut simplement remplir, on ne se posera pas de questions sur la tonicité et on cherchera juste un soluté à bon pouvoir volémique ( NaCl 0,9%, Ringer Lactate ).


 

2) Choix d’un soluté:

 

*Le «serum phy», la panacée ?

 

L’avantage du sérum physiologique est sa polyvalence et son profil apparent de parfaite inocuité. C’est la rustine de l’urgentiste. En dehors des deux cas de figure cités un peu plus haut, vous ne risquez pas grand chose à perfuser un patient au NaCl 0,9%. Le risque allergique n’existe pas. Que le malade soit bien portant ou glasgow 3 avec un trauma crânien grave, votre perfusion étant iso-osmotique au plasma elle n’aggravera rien, et si vous voulez commencer à remplir un patient hypovolémique, ça sera tout à fait dans les cordes de votre soluté en attendant mieux, le NaCl 0,9% étant comme on l’a vu un soluté a bon pouvoir volémique.

A ce stade vous pouvez retenir que si vous êtes en perdition ce soluté restera un ami fidèle, avec lui vous ne pouvez à priori pas commettre d’énorme erreur tant que vous n’en passez pas des tonnes.

 

 

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Alors pourquoi ce soluté est-il bannis des réanimations et échangé à la hâte avec l’un de ses soluté cousin lorsqu’on passe à des remplissages à gros volume ?

Le «sérum physiologique» ou NaCl 0,9%, appelé « normal saline » par les anglo-saxons, n’a de physiologique dit-on, que le nom. Discrètement supérieur à l’osmolarité du plasma, il paye un lourd tribu à son isotonicité assurée entièrement par le NaCl… car le Na étant accompagné de Cl pour permettre l’indispensable équilibre des charges anions/cations, on se retrouve avec une solution dont la concentration en chlore est bien, bien supérieure à celle du plasma, alors que la concentration en sel est à peine au dessus du plasma habituel. Résultat : un remplissage massif au NaCl 0,9% va tendre à provoquer une acidose hyperchlorémique.

Pire, cette acidose hyperchlorémique qui apparaît de manière constante en cas de remplissage abondant, pourrait avoir des effets inattendus comme aggraver une situation d’hyperkaliémie par sortie de potassium de la cellule. Car oui, il y a infiniment plus de potassium dormant dans nos cellules (où il est majoritaire à raison de 98% du pool de vote corps, pour une concentration de 140mMol/L sensible aux variations de pH pour entrer ou sortir de la cellule), que ce qu’on peut trouver en potassium dans les solutés usuels de remplissage

 

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Quoi de moins intuitif ? Le NaCl 0,9%, ce soluté inoffensif, bon à tout faire, ne contenant pas une microparticule de potassium… deviendrait déconseillé en cas d’hyperkaliémie ?

On a maintenant quelques arguments pour commencer à relativiser le NaCl 0,9% et à s’en méfier, même aux urgences. Car si il est plutôt rare de remplir très abondamment un patient hors déchocage, il est en revanche très fréquent de voir des hyperkaliémies aux urgences.

N.B: pour ceux que la réelle raison de l’acidose hyperchlorémique intéresse, c’est un peu plus compliqué que résumé plus haut et ça concerne le modèle de Stewart et le principe de SID ou « Strong Ion Difference » qui est un excès de charge plasmatique des ions forts. C’est en réalité la baisse du SID causée par l’augmentation du chlore en proportion bien supérieure à celle du sodium, qui va entraîner l’acidose lorsqu’on perfuse du NaCl 0,9%. Cf ces liens pour en savoir plus: [4][5].

 

*Le Ringer Lactate: réapprenons à l’aimer…

 

Mais que faire alors ?

Le Ringer Lactate, il paraît que ça fait une acidose lactique à cause du lactate ( FAUX ), et en plus c’est dangereux en cas d’hyperkéliamie parce qu’il y a du potassium dedans ( FAUX ).
Un excellent billet de Josh Farkas du blog anglophone «Pulmcrit» [6], débusqué et entièrement traduit en français par le blogueur nfkb [7], a longuement détaillé ce qui faisait des principaux arguments de crainte envers ce soluté, des légendes urbaines.

Tout d’abord le « lactate » du Ringer Lactate va être métabolisé une fois arrivé dans le corps… en bicarbonate, participant à l’alcalinisation du plasma. Deuxièmement, le Ringer Lactate est concentré à 4mmol/L de potassium. En toute logique lorsqu’on rempli un patient avec une solution concentrée à 4mmol/L, on tendra si on rempli à l’infini à approcher les 4mmol/L. Ainsi si le patient a moins, il augmentera virtuellement sa kaliémie jusqu’à 4, et si il a plus, il la diminuera jusqu’à 4. Mais en remplissant à 4mmol/L, on n’arrive jamais jusqu’à 6, ou 8mmol/L… à moins qu’on change les règles de la chimie d’ici là.

Bien entendu il ne s’agit pas que d’un postulat théorique et philosophique, des études comparatives ont clairement établi (et ça ne date pas d’hier) qu’à situations égales le NaCl 0,9% est plus hyperkaliémiant et entraîne plus d’acidose que le Ringer Lactate [8][9].

Je laisse aux désireux le soin de découvrir le billet sus-cité, qui donne en détail toutes les preuves de littérature nécessaire pour se mettre une bonne chose dans le crâne:

Dans les situations d’hyperkaliémie, y compris en situation d’insuffisance rénale, le Ringer Lactate non content de ne pas être contre-indiqué, est très probablement moins délétère et préférable au NaCl 0,9%.

Maintenant que c’est dit, rappelons à notre bon souvenir que le Ringer Lactate est un bon soluté de remplissage, quasi-équivalent au NaCl 0,9% en terme de pouvoir volémique. Cela en fait un soluté idéal de remplissage vasculaire aux urgences en l’absence des contre-indications générales aux solutés hypotoniques décrites plus haut. Il doit être utilisé dès que le remplissage commence à devenir important… il fera le même boulot que votre « sérum phy », mais de manière plus sûre et physiologique.

 

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Notons quand même que jugé « discrètement hypotonique », le Ringer Lactate du fait d’une ionisation incomplète possède une osmolarité cryoscopique ( = in vivo ) de 254mmol/L ( oui, ça commence à faire franchement hypotonique ) et non 273mmol/L comme annoncé sur la boite.

 

*Les colloïdes, doit-on encore s’en servir ?

 

Sur le principe, ces solutés en particulier les HEA ( Hydroxy-Ethyl-Amidon = voluven ) dont les grosses molécules sont dotées d’une puissante pression oncotique permettant d’attirer toute l’eau alentours dans le vaisseau, arrivent à des pouvoirs volémiques supérieurs à 100% là où les solutés précédents arrivent péniblement à 25%. En comparaison de n’importe quel cristalloïde ( simple soluté salé ), ces solutés ont un pouvoir volémique bien supérieur pour une quantité bien inférieure de soluté perfusé.

Seulement en novembre 2013 est sorti une mise à jour de l’ANSM sur les macromolécules, limitant leur seul usage aux choc hémorragiques à la phase aigue (en association avec des cristalloïdes), et les contre-indiquant formellement dans quasiment toutes les autres indications en tête desquelles le sepsis et l’insuffisance rénale.
C’est un bon exemple de la limite de la théorie lorsqu’elle est confrontée à la pratique. En chiffre les macromolécules sont extrêmement séduisantes. En pratique, ça n’a jamais montré le moindre bénéfice sur la mortalité ou la morbidité ( y compris sur le choc hémorragique d’ailleurs ) face aux cristalloïdes. Et dans les autres indications que la seule pour laquelle ils sont encore indiqués, c’est même délétère en entraînant d’avantage de complications rénales et en augmentant la mortalité en particulier chez les patients critiques / insuffisants rénaux aigus, en fait dès que la barrière vasculaire est altérée [10].

Un vif débat a opposé la SFAR à l’ANSM au moment du retrait de ce soluté, mettant en balance les patients critiques (propres à la réa et au déchocage, et qui nous concernent) pour lesquels le caractère délétère des HEA ne fait pas de doute, et les patients à priori sain mais remplis aux HEA dans le cadre d’une chirurgie (en anesthésie), avec une utilité hémodynamique que des solutés de remplacement auraient bien du mal à assurer.

Dans notre situation aux urgences donc sur des patients à priori critiques s’ils ont besoin d’être remplis, il faut rester clairs et bannir ces solutés, sauf hémorragie grave qui reste l’unique et dernière indication.

 

*Les solutés « balancés » sont-ils les solutés miracle du futur ?

 

D’abord qu’est ce qu’un soluté «balancé» ? C’est un soluté qui est bien équilibré en ions et proche du plasma. Il a moins de sel que le fameux «sérum phy», un peu de potassium, de calcium, et l’équilibre anion/cation n’est plus assuré par le chlore seul ( qui est donc présent en moins grande quantité ) mais par un panachage incluant selon le soluté du lactate, de l’acétate ou du malate qui sont des anions se métabolisant assez rapidement une fois dans le corps, diminuant ainsi la tendance à l’acidose.

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Il existe la version « cheap »: le Ringer Lactate largement décrit, qui ne coûte rien, et a le défaut d’être hypotonique.

Et puis il y a les versions « gold ». Ces « solutés parfaits » sont strictement isotonique et idéalement équilibrés en ions. Ils sont aussi de fait plus cher que les solutés cités jusqu’à présent. Forcément ils ont la côte en réa, où on ne jure plus que par l’isofundine et autre normosol puisqu’ils peuvent tout faire avec une inocuité parfaite et en respectant au maximum l’équilibre acide-base. Ces solutés apparaissent donc comme incontournable en USI et réanimation aux vues de la fréquence et de l’abondance des remplissage sur le long voire très long terme.

Quelles preuves d’un réel bénéfice ?

De nombreuses études démontrent le bénéfice d’un soluté balancé en terme de résolution de l’acidose métabolique et de l’hyperchlorémie face à des solutés non balancés [11], et de manière séparée, différentes études montrent de manière expérimentale le caractère délétère sur l’organisme de ces états d’acidose, mais quand on rejoint les deux, on peine à démontrer un véritable bénéfice concret de morbidité et de mortalité sur patients bien vivants de ces améliorations de paramètres biologiques. Les seuls résultats dans ce sens et démontrant des répercussions notamment sur la morbidité (survenue d’infections en post-opératoire) et l’augmentation de moyens techniques tels la dialyse pour cause de dysfonction rénale, ressortent sur des études rétrospectives dont la méthodologie rend hasardeuse l’instauration d’un lien de causalité [12][13].

 

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De nombreux services d’urgence se posent la question d’ajouter ou non à leurs dotation des solutés balancés version « gold » (c’est pas une véritable appellation hein, juste ma manière de les appeler ) de type isofundine, voire supprimer le NaCl 0,9% pour les remplacer par ces nouveaux solutés. Dans l’absolu ça serait l’idéal bien sûr. Mais le coût important d’un tel échange induirait des dépenses qui, pour l’instant, ne semblent pas justifiées aux vues des données de la littérature, et concernent des quantités de remplissage par patient minimes, où jamais aucune différence n’a été observée en terme d’effet néfaste. On a déjà un soluté balancé aux urgence qui est sous-utilisé, c’est le Ringer Lactate. Il doit être utilisé dès que possible, notamment pour tous les remplissages importants. Et dans les cas peu fréquent où, aux urgences, vous aurez un malade ayant une contre-indication aux hypotoniques ( HTIC ? ) et un besoin massif de remplissage, montez en réa et allez chercher quelques poches d’isofundine / normosol. Ce ne sont pas ces quelques poches qui épuiseront le service, et vous n’en aurez guère besoin dans d’autres situations.


 

Au total quel meilleur soluté pour remplir ?

 

– Aux urgences, pour un remplissage peu abondant histoire de temporiser avant un transfert : le NaCl0,9% est d’une bonne innocuité si vous avez peur de faire une erreur, et fera toujours le job.

 

– Pour un patient nécessitant de plus grandes quantités ( par exemple arbitrairement au-delà de 1-1,5L ), préférez-lui un soluté mieux équilibré et moins inducteur d’acidose métabolique ( et d’hyperkaliémie ) tel le Ringer Lactate, sauf problème d’HTIC / souffrance neuro sous-jacent.

 

– N’utilisez plus de macromolécules HEA. Jamais. Sauf éventuellement dans le choc hémorragique, mais en association avec des cristalloïdes classiques…

 

 

 

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Biblio:

 

 

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[1] Produits de remplissage vasculaire (tableau tronqué), MAPAR 2013 / 13e édition

[2] http://legazier.com/hyponatremie/

[3] Francony G, Fauvage B, Falcon D, Canet C, Dilou H, Lavagne P, Jacquot C, Payen JF, Equimolar doses of mannitol and hypertonic saline in the treatment of increased intracranial pressure. Crit Care Med 2008 Mar;36(3):795-800

[4] Quintard H, Hubert S, Ichai C, Qu’apporte le modèle de Stewart à l’interprétation des troubles de l’équilibre acide-base ? Ann Fr Anesth Reanim 2007;26:423-33

[5] Quintard H, Orban J-C, Ichai C, Evaluation de l’équilibre acidobasique en réanimation, SFAR 2009, http://www.sfar.org/acta/dossier/2009/pdf/c0069.fm.pdf

[6] http://www.pulmcrit.org/2014/09/myth-busting-lactated-ringers-is-safe.html

[7] http://www.nfkb0.com/2014/10/01/le-ringer-lactate-est-sur-en-cas-dhyperkaliemie-et-cest-mieux-que-le-sale/

[8] O’Malley C, Frumento R, Hardy M, Benvenisty A, Brentjens T, Mercer J, Bennett-Guerrero E, A randomized double-blind comparison of lactated ringer’s solution and 0,9% NaCl during renal transplantation. Ann and Analg 2005, Vol100,Issue5,pp1518-1524

[9] Modi MP, Vora KS, Parikh GP, Shah VR. A comparative study of impact of infusion of ringer’s lactate solution versus normal saline on acid-base balance and serum electrolytes during live related renal transplantation. Saudi J Kidney Dis Transpl 2012;23:135-7

[10] Zarychanski R, Abou-Setta A, Turgeon A, Houston B, McIntyre L, Marshall J, Fergusson D, Association of Hydroxyethyl Starch Administration with mortality and acute kidney injury in critically ill patients requinring volume resuscitation, JAMA 2013;309(7):678-688

[11] Chua HR, Venkatesh B, Stachowski E, Schneider AG, Plasma-Lyte 148 vs 0,9% saline for fluid resuscitation in diabetic ketoacidosis, J Crit Care 2012 Apr;27(2):138-45

[12] Shaw AD, Bagshaw SM, Goldstein SL, Scherer LA, Duan M, Schermer CR, Kellum JA, Major comlications, mortality, and resource utilization after open abdominal surgery: 0,9% saline compared to plasma-Lyte. Ann Surg, 2012 May;255(5):821-9.

[13] Ichai C, Faut-il utiliser des solutés balancés ? SFAR, 2012 http://www.sfar.org/article/914/faut-il-utiliser-des-solutes-balances

65 réflexions au sujet de « Les solutés de perfusion aux urgences »

    • Salut, j’ai vu ton allusion au lactate sodium hier… peut-être un billet ou autre pour partager ta future passion avec ce soluté dans un avenir proche ou lointain ?

      En tout cas bravo tu dois être adoré du directeur financier de ton CH ! Mais je sais que côté bloc je prêche déjà des convaincus…

  1. Génial cet article! Tu as tout super bien résumé de manière très claire et simple, et franchement avec ce sujet la c’est pas évident à faire!

    Pareil, j’utilise beaucoup de RL, après je pête pas un cable non plus si je vois qu’on m’a mis 1 poche de Serum 0,9% !!

    Tout d’abord la question RL VS SSI est assez claire, en cas de remplissage massif ou d’hyperkaliemie, il faut préférer le RL comme tu l’as bien dit.

    Ensuite moi je ne suis pas totalement serein avec l’histoire des macromolécules et comment elle a évolué.
    Les RFE de la SFAR sur le remplissage vasculaire qui sont assez récentes parlent du Doppler Oesophagien et des bonus de 250 ml de Macromolécules !! (c’est que l’étude a été faite avec). Ensuite on vient nous dire que le Voluven c’est mal ( mais forcément en coller 33ml/ TOUS les jours c’est forcément délètere et ça ne reflète pas trop notre pratique). Du coup maintenant on utilise de la Gélofusine à la place (en tout cas chez moi) , et on commence tout doucement à revenir en arrière: peut être que la gélofusine est aussi délétère que le voulant ou que le voluven, finalement, peut tout de même être utilisé selon certaines modalités (pas que dans le choc hémorragique) , bref c’est un peu le cercle vicieux.

    Mais comme tu le dis bien, les cristalloides sont d’excellent solutés de remplissage et au final il faut se rappeler de la physiologie.
    Habituellement leur pouvoir d’expansion volémique est de 20% mais en situation d’hypovolémie il passe à 50-60% , d’autant plus qu’on les perfuse rapidement (à la seringue de 50cc ^^)
    D’autre part, en cas de volume de perfusion important, le patient va développer des oedèmes…il mettra beaucoup plus de temps à éliminer les macromolécules (l’albumine peut mettre 30 j à s’eliminer) que les cristalloides, qui s’éliminent en 48h et ont donc moins d’effets délétères également par ce biais là.

    • Merci pour ton commentaire, j’avoue sans honte que cet article a été un vrai casse-tête à écrire, comment ne pas en dire trop pour ne pas perdre tout le monde, éviter d’en dire pas assez pour ne pas non plus écrire un résumé grossièrement simplifié et inutile, bref… j’espère que ça servira car c’est vraiment un authentique sujet à problème pour beaucoup de personnes que je croise et en particulier les internes hors AR qui ont une formation très parcellaire là dessus et aucun cours dédié la plupart du temps.

      Oui, pour les colloïdes on a sans arrêt des études contre-exemple et des partisans et détracteurs, c’était déjà le cas avant la RFE, son passage n’a pas arrangé les choses… moi dans la mesure où dans la majorité des situations je n’ai pas besoin de macromolécules je ne m’embête pas, mais je suivrai de près les futures parution à ce sujet !

      Je vois beaucoup utiliser la gélofusine dans certains centres, moi je reste aussi basique que le schéma que j’ai fait en bas de mon article, je n’en utilise que dans les choc hémorragiques ( et plutôt ceux à 50/20 de TA que ceux qui sont à peine limite ) et je reste au voluven.

  2. Je suis étudiant, faisant le DESCMU. L’article est tout simplement salvateur par sa clarté ! Merci de me débrouiller les méninges, c’est avec ce genre d’explications que tout devient plus clair et s’ancre durablement.

    • Merci pour ton commentaire, c’est précisément et en particulier aux DESCMU que s’adressent ces articles, et j’espère lancer une dynamique de recherche / d’approfondissement scientifique de cette spécialité naissante par ce blog.

      N’hésite pas à faire tourner !

  3. Super billet, vivement que les blogs franophones se revendiquant de la FOAM fassent des petits!

    Deux petites choses:
    – pour completer ton travail : http://www.bmj.com/content/350/bmj.g7620 la figure du papier du BMJ en copie est juste PARFAITE
    – Nfkb0: passer du lactate de sodium, chez l’homme, aujourd’hui est plus que discutable…les uniques données disponibles me semble-t-il sont des données animales sur 15 porcs ou moult « opinion papers »; rien de bien solide en tout cas

    • J’ai bien lu ton post (le papier de Thibault Duburcq est d’ailleurs top) qui en effet conserve une neutralité, mais les données humaines sont très très loin du niveau de preuve que l’on considère acceptable aujourd’hui. Si on regarde les papiers cités par Thibault Duburcq, l’un inclus 5 malades, l’autre 7 malades vs un groupe de sujets sains ou un autre 20 mais de le post op de chir cardiaque.

      mais encore une fois, c’est juste mon avis à 2cts @+

  4. Merci pour tes remarques. Notre objectif est effectivement entre autre de diffuser cette tendance pour former une petite communauté et si possible être utile à notre pratique, pour nous-même et pour nos lecteurs.

  5. pourquoi de différence concernant la concentration du K+ dans le Ringer lactate, sur le tableau 1 c’est 5 mmol/L, dans la suite de votre article c’est 4mmol/L . votre explication sur l’utilisation de ringer lactate en cas d’hyperkalièmie est floue. je vais en savoir pour n’importe quel volume de remplissage de ringer lactate et quelle vitesse ? heureuement vous dites en cas d’insuffisance rénale que le ringer est probablement moins délètere….

  6. Vous pouvez voir sur l’étiquette commerciale du RL canadien dont l’image est insérée dans le billet, que la concentration de K+ est à 4 mEq/L. Elle est un peu supérieure dans le tableau MAPAR, peut-être que les concentrations varient légèrement d’un fabricant à l’autre, dans tous les cas peu importe, la concentration est physiologique dans les deux cas (la kaliémie de vos patients est jugée conforme dans une fourchette allant de 3,5 à 5 pour la plupart des laboratoires à quelques variations de décimale près).

    Si quelque chose est flou, détaillez ce que vous ne comprenez pas, mais dans le texte du billet complété par les liens que j’ai mis en copie vers plusieurs articles originaux détaillant et décortiquant étude après étude les propriétés du Ringer, je vous assure qu’il y a toutes les informations nécessaires à la compréhension du problème.

    Le volume et la vitesse dépendent de chaque patient et du cas clinique, on ne peut pas donner une formule pour tous les patients, il y a trop de situations différentes. La seule chose à comprendre ici, c’est qu’à volume égal, le RL sera moins délétère que le NaCl 0,9% pour l’acidose comme pour l’hyperkaliémie, puisqu’il est plus physiologique.

  7. Excellent travail! très intéressant et bien pratique.
    Concernant le Ringer lacte, il contient 4 mmol/l, en perfusion 1 flacon, c’est comme si vous donnez au patient moins d’un comprimé de Diffu K. Impact négligeable si vous tenez compte du processus naturel d’élimination du Potassium journalier.

  8. Je ne suis qu’en D2 mais pitaing, ça fait plaisir de comprendre tout ça quand même. Tu veux pas remplacer les profs à ma fac ? 🙂

  9. Bonjour bonjour !

    Je viens de découvrir votre site et je ne sais juste pas quoi dire tant l’excitation est palpable : finalement un blog maniant savamment sérieux&clarté exemplaires avec une pointe d’humour, nécessaire à toute pédagogie (sans parler de la thématique principale ô combien intéressante de ce blog) !
    Actuellement en D4 (chut, n’en parlons pas), je n’ai malheureusement pas autant de temps que souhaité à y consacrer. Mais je sais d’ores et déjà vers où je me retournerai, une fois le moment (comprendre « la liberté ») venu(e) !
    Ce post, en plus de vous remercier chaudement pour ce travail, fera d’une pierre deux coups en me permettant de recevoir les notifications pour les prochains articles que j’attends avec impatience.

    Ah et ai-je oublié de mentionner l’icono du blog ? A l’instant où je l’ai vue, j’ai su que je serai ici « chez moi ».. « Du travail, encore du travail » *Voix rauque*

    A bientôt !

  10. Bonjour, d’abord un très grand merci pour cet article ! Je crois cependant avoir remarqué une petite coquille : dans le premier schéma, la membrane, si l’on parle de tonicité, doit être une membrane réelle (sélective) et non semi perméable (= qui ne laisse passer que l’eau)
    C’est la différence entre osmolarité et tonicité (aussi appelée osmolarité efficace)
    Ca explique d’ailleurs pourquoi le G5 est isoosmotique (en théorie _mb semi perméable_ si le glucose ne diffuse pas dans un autre compartiment) et hypotonique (car en réalité il diffuse dans le compartiment intracellulaire)

    • Salut PYM et merci pour ton commentaire. Sémantiquement tu as raison, j’aurais du mettre sur ce premier schéma « Iso-osmolaire / Hypo-osmolaire » même si parler tout le temps en tonicité aide je pense les lecteurs à le comprendre dans son contexte directement pratique (avec leur soluté devant leur patient), mais ce n’est pas une raison pour faire un schéma inexact, je le changerai donc !

  11. Salut ! Merci pour cet article. On voit parfois prescrit du G5 pour les hypernatremies.
    J’avais appris que ce n’est pas adapté et qu’il vaut mieux du NaCl 0.9%
    Qu’en penses-tu ?

    • Tout dépend de la cause de l’hypernatrémie et du secteur extracellulaire. Si l’extra est aussi déshydraté que l’intracellulaire, il vaut mieux effectivement commencer par des solutés de remplissage réels (NaCl 0,9% ou Ringer Lactate) car le secteur extracellulaire est alors prioritaire et le problème de la natrémie arrivera dans un second temps. Si le secteur extracellulaire est normal, apporter du NaCl 0,9% n’a pas de sens, car une soluté isotonique comme lui ne fait théoriquement pas entrer d’eau dans la cellule (c’est l’objectif d’un isotonique), ce qui est dommage quand on cherche à corriger une déshydratation intracellulaire (= une hypernatrémie). Il faut alors effectivement perfuser un hypotonique, du G5% par exemple, qui agissant comme de l’eau libre va venir hydrater l’intracellulaire. Si on a peur de corriger trop vite par du G5% on peut donner un soluté salé hypotonique (bionolyte G5% ou autre), qui contenant du sel fera entrer moins d’eau dans la cellule qu’un glucosé pur se comportant comme de l’eau libre.

  12. Merci pour ce post !
    Clair simple et concis
    Sincerement super travail 😉
    J aurais une question : pourquoi ne faut il pas utiliser de RL chez les patients diabétiques et leur préférer du SSI??

    • Bonjour,

      C’est une bonne question dont la réponse est je pense complexe. Nous ne parlons ici que d’un diabète décompensé de type acidocétose, pour un patient diabétique équilibré ou sub-équilibré, rien ne justifie de se comporter différemment avec le remplissage (le RL fait très bien l’affaire).

      Dans l’acidocétose, on a peur de la diurèse osmotique provoquée par l’arrivée de glucose dans les urines. Au delà de 2g/L le sucre passe dans le sang ne pouvant plus être suffisamment filtré par le rein, le pouvoir de tonicité propre du sucre rend le plasma plus hypertonique qu’il ne doit l’être, créant un appel d’eau, et provoquant une diurèse osmotique dans laquelle il y a notamment beaucoup de perte de sodium.

      La crainte de l’acidocétose est de manière égale: 1) l’acidose, 2) l’hyponatrémie, et 3) l’œdème cérébral lié entre autre à la fuite de sodium. Si on a des signes évoquant l’œdème cérébral il est en effet légitime d’éviter le RL, car le RL hypotonique pourrait aggraver l’œdème par l’entrée d’eau libre intracellulaire de manière minime par la définition même d’un hypotonique. En plus du traitement symptomatique (osmothérapie, restriction hydrique, tout dépend de la véritable cause) on choisira un soluté d’entretien strictement isotonique.

      Cependant, le NaCl 0,9% de par son excès en chlore est un soluté plus acidifiant que le RL… ce qui n’en fait pas le soluté idéal non plus vis à vis cette fois de l’acidose.

      Dans cette indication précise du diabète décompensé, il serait intéressant d’utiliser de vrais isotoniques balancés comme l’isofundine, le normosol, ou encore du RL avec ajout de 2g/L de NaCl (une part de la charge des cations sera alors prise en charge par le Lactate du RL, il y aura moins de chlore que dans une poche de 1L de NaCl 0,9% pure et donc moins de potentiel acidifiant).
      Enfin dans la mesure où une déshydratation doit d’abord se régler sur le plan extracellulaire avant de s’occuper de l’intracellulaire (et ces patients sont souvent très déshydratés en extracellulaire), et qu’il ne faut de toute façon pas corriger la natrémie trop vite, en l’absence de signe évocateur d’œdème cérébral il n’y a probablement pas plus de problème à remplir ces patients avec du RL, avant d’alterner avec d’autres solutés en fonction de l’évolution de l’hydratation extra et intracélulaire, et les besoins ou pas d’ajouter des solutés glucosés en fonction de l’insulinothérapie donnée en même temps.
      Je pense que ce sont des protocoles rédigés pour faire le moins d’erreur possible à destination du plus grand nombre de praticiens y compris non spécialisés (qu’aucun ne soit tenté de mettre un hypotonique à un œdème cérébral manifeste), mais tout dépend de la situation même chez le diabétique… il n’y a pas un soluté pour une maladie, mais de multiples situations individuelles.

  13. Bonjour, article bien utile super !!!!
    Pourrais tu me préciser les surveillances à apporter lors d’injection de cristalloides isotoniques tel que SSI, RL et G5 ? Je lis tout et son contraire.
    Tu ne parles pas de l’albumine dans les macro molécules y a t il une raison ?

    • La surveillance ? A part les signes de surcharge il n’y a rien de particulier, tout dépend du cas et du patient, il y a trop de situations et d’indications différentes. Si tu as une question moins générale et plus ciblée on peut toujours en parler ici. Sinon tu as le mail du blog en section « contact » pour les développements plus longs.

      L’albumine n’est pas uns soluté de remplissage aux urgences -pour l’instant-. C’est une macro-molécule (et on a vu à quel point les indication de macro-molécules étaient limitées aux urgences) très coûteuse à net pouvoir allergisant réservée à des situations bien particulières.

      On ne la verra guère aux urgences que pour compenser les pertes de ponctions (comme une ascite de plusieurs litres, ça ne sera donc pas un remplissage proprement dit). Même chez les grands hypoalbuminémiques où on pourra avoir un apport modéré, le remplissage se fait en premier lieu par les cristalloïdes classiques dans les premières heures, avant de réviser la stratégie en service par la suite.

    • Bonjour,
      J’ai du mal à comprendre la différence entre hypo/hyper-osmotique et hypo/hypertonique.
      J’ai lu ceci, est ce vrai ?
      « Quand on parle d’hypo/hyper-osmotique, on prend en compte osmolarité totale alors que pour hypo/hypertonique on ne prend en compte que l’osmolarité efficace. Par exemple avec une membrane cellulaire, une solution contenant de l’urée pourrait être hypotonique mais considérée comme hyper-osmotique. »

    • Soluté « massif » n’est pas un terme utilisé en France (ni par les pays anglo-saxons), on parle de « remplissage massif » parfois pour dire qu’on remplit en grande quantité même si ça ne veut pas dire grand chose.

      Un soluté de perfusion est n’importe quel soluté à perfuser à un patient (g5%, NaCl 0.9%, Ringer Lactate, Voluven…), sans préjuger de ses facultés, ça englobe tous les solutés.

      Un soluté de remplissage est un type de soluté de perfusion ayant un pouvoir volémique assez significatif pour permettre un remplissage vasculaire en situation d’hypovolémie, comme expliqué dans l’article, le NaCl 0,9% et le Ringer Lactate sont des solutés de remplissage pour les colloïdes, le Voluven ou l’albumine sont des solutés de remplissage pour les colloïdes. Le G5% n’est pas un soluté de remplissage car n’a pas de pouvoir volémique.

  14. Holà ! Un grand merci pour ce post. Je suis un bébé IDE fraichement diplômé, et je t’avoue que cet article m’a réellement aidé avant d’arriver en réa. Il est clair, limpide et efficace. Donc encore merci, je m’en servirai comme référence 😉
    Encore MERCI

  15. Bonjour,
    Je cherchais seulement une information car (ex-dactylo de 77 ans), j’ai fait le choix des médecines naturelles et alternatives. Donc ayant lu que « l’eau de mer » pouvait positivement remplacer les transfusions sanguines, je pensais trouver un article qui m’expliquerait le pourquoi oui, peut-être, non, ou ça dépend…
    Je vous remercie par avance de toute information et explication.
    Merci pour le haut professionnalisme que j’ai décelé dans vos messages.
    Cœurdialement et respectueusement,
    Madeleine David

    • Bonjour, les « médecine naturelles et alternatives », ne sont pas des médecines, même si elles aimeraient entretenir la confusion. Ce que la médecine véritable nous dit en revanche, c’est que non, l’eau de mer ne peut absolument pas remplacer une transfusions sanguine. L’intérêt de la transfusion est l’apport de produit dérivés du sang comme les globules rouges pour le transport de l’oxygène, ou les facteurs de coagulation, dont l’eau de mer est totalement dénuée, et en dehors de cette seule considération, l’eau de mer est très éloignée de la physiologie humaine et serait rapidement fatale de part une osmolarité >1000mosm/L médiée par une énorme concentration en sel, tout en étant absolument pas stérile en l’absence de traitement spécifique. Il s’agit donc d’un parfait mensonge, issu de personne très peu au fait de la physiologie humaine, ce qui doit interroger sur le niveau de sérieux avec lequel leurs futures assertions devront être prises, et qui nous rappelle que les « médecines naturelles » n’ont absolument rien de médical.

      Cordialement.

  16. Bonjour,
    J’ai du mal à comprendre la différence entre hypo/hyper-osmotique et hypo/hypertonique.
    J’ai lu ceci, est ce vrai ?
    « Quand on parle d’hypo/hyper-osmotique, on prend en compte osmolarité totale alors que pour hypo/hypertonique on ne prend en compte que l’osmolarité efficace. Par exemple avec une membrane cellulaire, une solution contenant de l’urée pourrait être hypotonique mais considérée comme hyper-osmotique. »

    • Bonjour,

      En effet c’est bien ça, l’urée est l’exemple de composant de l’équation n’entrant pas dans le calcul d’osmolarité efficace (=tonicité) car il n’y a pas de pression particulière entre les deux parts de la membrane cellulaire pour équilibrer une quelconque différence, car trop petite pour exercer un quelconque gradient. On peut donc avoir des variations d’osmolarité calculée à cause de l’urée, avec une osmolarité efficace qui ne correspond pas.

  17. Bonjour,

    Merci pour cet article de synthèse.

    Quel solution iso-osmotique (300mOsm/L) choisir si on veut faire absorber du Magnésium et du Potassium au lieu du NaCl ?

    Sur l’eau de mer, je comprend votre position. Toutefois l’argument sur l’osmolarité (« une osmolarité >1000mosm/L ») me parait faible, on pourrait toujours diluer avec de l eau pure pour atteindre les 300, et la salinité dépend de la mer et de la profondeur 😉 On pourrait imaginer faire un soluté avec une répartition des types principaux de sels qui se rapprocherait de l’eau de mer, qui serait donc plus varié que le simpliste NaCl.

    • Bonjour,

      Les carences en magnésium ou potassium nécessitant supplémentation sont le quotidien de services d’urgence et réanimation.

      L’osmolarité de la solution permettant leur vecteur n’a pas d’importance, le potassium (sous forme de KCl) est souvent administré pur en pousse-seringue, étroitement monitoré, si possible sur voie veineuse centrale sinon sur périphérique, en quel cas il faut le passer lentement et dilué car il est veinotoxique et douloureux au passage. Le potassium peut aussi être ajouté à des perfusions d’osmolarité diverses (G5% à osmolarité nulle in vivo, NaCl 0.9% isotonique, et tous les intermédiaires entre les deux).

      Le magnésium est le plus souvent supplémenté via des poches de 100mL de NaCl sur 20minutes, ou au pousse-seringue sur plusieurs heures, la solution vecteur peut être également du glucosé ou du NaCl sans distinction.

      Au sujet de l’eau de mer, le plasma humain et le milieu intérieur n’ont rien d’un jeu, de même que la santé du patient concerné. Je ne comprend pas l’obsession de plusieurs intervenants ici à vouloir injecter de l’eau de mer dans des endroits où elle n’a rien à faire, et contrairement aux articles tronqués soulevés au dessus, elle n’a jamais eu le moindre succès en médecine autre que déboucher des nez encombrés.

      Il existe des solutions polyionique, et/ou avec oligoéléments qui sont parfaitement étudiées et utilisées au quotidien pour apporter à des patients nécessiteux les éléments dont ils ont strictement besoin, pas plus, pas moins. Les pseudo-médecines ou conceptions philosophiques des produits naturels et du vivant peuvent se faire sur le papier, pas sur le corps d’une personne vivante qui aura à en subir les conséquences en particulier quand nous parlons d’intra-veineux, c’est la raison pour laquelle le législateur a encadré l’usage de la médecine, et les expérimentations à des comités de protection de la personne extrêmement rigoureux.

      Ce blog se veut purement médical, sérieux, et centré sur la médecine d’urgence, je m’arrêterai donc là pour les digressions. En vous remerciant.

    • Bonjour, tout dépend de l’urgence… si le patient est réellement déshydraté avec des œdèmes, il est possible de réaliser un apport hydrique normal (eau simple per os, ou solutés tels des G5%) tout en surveillant bien sûr la natrémie pour ne pas méconnaître ou aggraver une hyponatrémie.

      Si la cause de cette situation est un syndrome néphrotique il faut en chercher la cause et essayer de la traiter.

      Par ailleurs, si la déshydratation devient une urgence médicale (hypotension, mauvaise tolérance), l’albumine est un soluté envisageable. A ce stade la gestion de l’hydratation et des secteurs liquidiens risque de devenir délicate, et mieux vaut rapprocher le patient d’un secteur critique (déchocage des urgences, ou USC / réanimation).

      La suite risque d’être compliquée: alternance d’hydratation par eau libre, de diurétiques, peut-être d’albumine, et résolution si possible de la cause initiale de l’hypoalbuminémie voire prise en charge spécialisée au décours de la réanimation initiale (néphrologie si sd néphrotique, gastro si l’origine est une cirrhose réfractaire aux traitements, etc…).

    • Salut Maiga, il y a 3 milieux à considérer, le milieu intracellulaire d’une part, et d’autre part le milieu intravasculaire (ce qui circule dans le vaisseau) et interstitiel (l’eau qui se ballade autour dans les tissus), ces deux derniers formant le milieu extracellulaire.

      La manière dont va se répartir l’eau dans chaque milieu va dépendre de la tonicité du soluté, ainsi plus un soluté sera constitué d’ions osmotiquement actif (osmolarité efficace) comme le sel, moins ils vont aller dans l’intracellulaire, et plus ils vont se répartir dans l’intravasculaire (un peu), et l’interstitiel (beaucoup).

      La cellule sera donc plus ou moins concernée si le soluté est plus ou moins hypotonique. Un soluté peu hypotonique comme le Ringer Lactate, fera rentrer un peu d’eau dans le secteur intracellulaire (mais vraiment minime car il approche relativement de l’isotonicité), alors que perfuse de l’eau libre (comme G5%) fera rentrer beaucoup d’eau dans la cellule.

      Pour savoir la répartition exacte il y a pas mal de bouquins et cours de physio qui nous renseignent. Il suffit de voir quelle est la répartition naturelle de l’eau dans le corps humain à l’état d’équilibre. On parle de 67% en intracellulaire, et 33% en extracellulaire (8% intravasculaire et 25% en interstitiel).

      Donc pour 1000mL de G5% (considéré comme de l’eau libre, osmolarité nulle), la répartition sera de 670mL en intracellulaire et 330mL en extracellulaire. Et plus il y aura de sel dans la solution, plus la balance penchera du coté extracellulaire ou détriment de l’intra.

    • J’en profite également pour demander ce qu’il en est des solutés dit « Polyionique G5% » ?
      Celui qu’on a dans mon service affiche une osmolalité théorique de 468mOsm/L (Glucose : 277,5 mmol/L ; Sodium : 68,5 mmol/L ; Potassium : 26,8 mmol/L ; Chlorure : 95,3 mmol/L).
      J’ai supposé qu’il était en pratique (« in vivo ») isotonique car vous disiez que le glucose était métabolisé rapidement et qu’on s’en sert en substitut du NaCl mais qu’en est-il vraiment ?
      Merci pour vos lumières 😉

    • Merci pour le commentaire,

      Oui l’article est toujours dans l’ère du temps, les nouvelles études (SALT-IT trial, et consort) continuent à aller dans le sens de privilégier un soluté balancé tel le RL dans le remplissage des patients critiques, pas beaucoup plus de preuve depuis.

      Concernant le bionolyte G5%, l’osmolarité dans la poche est effectivement sans rapport avec l’osmolarité efficace une fois dans le corps humain dans la mesure où le glucose ne compte pas. Il y a 4g de NaCl par litre de solution, soit moins de la moitié de la concentration d’un NaCl 0.9% classique… on comprend donc que c’est un soluté profondément hypotonique qui n’a pas de pouvoir de remplissage (ou négligeable), et doit être considéré comme un fluide d’hydratation/entretien au long cours au même titre que les G5% et consort.

  18. Un grand merci ! j’aime la clarté, j’aime le ton.
    Je suis étudiante en 3ème année de médecine, vous avez illuminé simultanément tous mes cours sur l’homéostasie hydrique et rendu beaucoup plus clair le questionnement « Et en pratique que fait t’on?  »
    Je viens de vous découvrir et c’est une très belle surprise.

  19. Merci pour l’article!

    Vétérinaire, nous utilisons aussi ces solutés, pour à peu près les mêmes indications… Je ne comprenais pas pourquoi on arrivait plus à trouver du Voluven (qu’on obtenait en général en pharmacie) que nous trouvions bien pratique pour remplir les grands chiens en torsion d’estomac, pour lesquels il faut très très rapidement rétablir la Pa et partir en chirurgie. (je pense que le nom torsion d’estomac parle de lui-même, même si les humains ne font pas trop ça)… J’ai maintenant une réponse…

    Du coup, pour remplir vite, maintenant, on pose deux cathés, un sur chaque patte, et un litre de RL branché sur chaque…

    • Merci pour le retour et le parrallèle chez nos amis les animaux… les méfaits des macromolécules sont probablement exagérées notamment chez les patients non septiques, mais dans tous les cas remplir aux cristalloïdes est en effet tout à fait approprié et non inférieur. Je n’ai pas fais le tour de biblio au niveau animal par contre, mais c’est effectivement peut-être pour les raisons décrites en études cliniques humaines que les pratiques vétérinaires ont été modifiées…

  20. Je suis vraiment ravis de tout ce brillant boulot. je suis édifié plein d’enthousiasme d’apprendre de très belles choses qui ont illuminé mon esprit. Je ne pourrai cesser de vous remercier.

  21. Salut,

    Super billet !

    Petite question, un patient insuffisant rénale aigue fonctionnelle en légère surcharge volémique (crépitants pulmonaires sans aller jusqu’a l’oap) peut on le remplir avec du NaCl 0,09% ? ou faut-il choisir un autre soluté de remplissage ?

    Faut-il d’abord le diurétiquer ? Puis le remplir par la suite ? j’avoue être dans le flou…

    Merci d’avance

    • Salut, désolé mais la question me semble confuse.

      Un patient en OAP n’est pas forcément en surcharge volémique. On peut être en OAP et être normo voire hypovolémique (typiquement une erreur thérapeutique avec administration d’un bolus d’adrénaline, ou encore un OPI / oedème d’immersion chez un plongeur sous-marin). Dans ce cas l’OAP est purement lié aux pressions / à la complicance du système cardio-vasculaire, et pas à l’excès de volémie. Dans tous les cas le diurétique n’a pas d’intéret ici car il n’y a pas de surcharge volémique, le traitement est le contrôle tensionel (dérivés nitrés) et la CPAP selon la tolérance.

      Si tu décris une surcharge volémique vraie dès ton énoncé de départ (on a donc à priori un patient avec des œdèmes des membres inférieurs, peut-être des lames d’épanchements pleuraux, etc), pourquoi chercher à le remplir ? Un patient hypervolémique n’a par définition pas besoin de plus de volémie, c’est justement son problème.

      Une insuffisance rénale aigue fonctionnelle ne veut pas dire que le patient est hypovolémique. Une congestion rénale chez un patient en anasarque par exemple, donne aussi un profil fonctionnel à l’insuffisance rénale, par baisse de la perfusion rénale liée à la congestion veineuse, qui donne l’impression à l’organe d’être en hypovolémie. Un tel patient n’a ni besoin de NaCl, ni besoin d’aucun autre soluté, il a besoin d’être au contraire déplété… il faut donc effectivement des diurétiques, surtout ne pas remplir, et croiser les moyens si nécessaire (diurétiques de l’anse forte dose +/- thiazidique.. et si échec ultrafiltration en dialyse si mal toléré ou résistant au traitement médical).

      Pour résumer: remplir un patient en hypervolémie n’a pas de sens. Il faut revenir à la physiologie de l’OAP (et ses différentes formes, car il n’existe pas que l’OAP hypervolémique), pour le comprendre. J’espère que c’est plus clair.

  22. Hey, merci pour ce texte très qualitatif!

    Une question un peu niche, mais que je n’ai pas réussi à résoudre moi-même…

    En cas de choc hémorragique/crise hypovolémique, est-ce que le mélange Voluven et Solution Saline est plus efficace pour remplir et maintenir en vie que le reste des solutés de remplissage?

    Je m’intéresse surtout à ce cas du point de vue « militaire »:
    – La victime a perdu un volume de sang important (2L et plus)
    – Il est impossible de transporter du soluté devant être réfrigéré ou gardé à des températures précises
    – Il n’y a pas d’assistance médicale de qualité chirurgicale disponible avant 2 ou 3 heures

    Merci d’avance pour toute réponse à cette question très précise!

    • Salut,

      Le voluven a en effet conservé sa toute dernière indication en médecine critique pour le choc hémorragique. Néanmoins il n’y a aucun niveau de preuve nous disant qu’il est supérieur aux cristalloïdes dans cette indication (NaCl 0.9%, Ringer Lactate), et il est possible que même dans le choc hémorragique, il finisse par disparaître.

      C’est en tout cas ce que suggèrent les découvertes de Thomas Woodcock en physiologie des solutés (publicité ici: https://books.google.fr/books?id=F-m4DwAAQBAJ&printsec=copyright&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false), qui nous explique en 2020 que lors du choc hémorragique à la phase initiale, le corps du patient se défend de la chute brutale de pression dans les vaisseaux en transférant du plasma du milieu interstitiel vers le milieu intra-vasculaire (ce qu’il appelle « autotransfusion ») à hauteur de 500mL. A l’arrivée du médecin, perfuser 500cc à 1L de NaCl 0.9% / d’un soluté isotonique en initial va à priori permettre de rembourser cette dette liée à l’auto-transfusion, en réhydratant ce milieu interstitiel qui s’est essoré pour pouvoir aller remplir les vaisseaux vides.

      C’est peut-être l’une des raison pour laquelle toutes les études préhospitalières dans le choc hémorragique montrent que jusqu’à 1L de remplissage de cristalloïdes la mortalité n’est pas augmentée (mais commence souvent à l’être au delà).
      En perfusant du voluven, le fort pouvoir oncotique de ce soluté va garder toute l’eau en intravasculaire, et empêcher le remboursement de cette dette d’autotransfusion dans l’interstitium. C’est peut-être l’une des explication à l’augmentation des atteintes rénales et mises en dialyse dans certaines situations clinique critiques avec le voluven.

      Il n’y a pas de science très claire pour un patient avec des élongations très longues pour un trauma center, seulement de grandes séries retrospectives surtout américaines en Irak et autre, nous montrant sans surprise que la golden hour ne pourra être respectée, et que la survie est globalement moins bonne qu’en métropole.

      On doit donc dissocier la situation militaire où les arguments pour utiliser des macromolécules sont différents: moins de soluté nécessaire, donc poids d’emport plus léger pour les équipes qui transporteront le matériel, et possibilité d’en stocker plus / pour davantage de victimes, ce qui est un atout pour des équipes isolées et loin de tout renfort. C’est le choix qu’a fait le TCCC (sauvetage au combat américain en milieu militaire) et le sauvetage au combat français.

      La macromolécule est encore aujourd’hui considérée comme un sauvetage chez un patient proche du désamorçage (car de toute façon, tout est mieux qu’un ACR traumatique, et la macromolécule a au moins cet avantage d’agir rapidement sur la tension artérielle).

      Selon moi, il n’y a pas d’intéret à utiliser du voluven en milieu métropolitain (je n’en utilise plus du tout). Il vaut mieux commencer par 500cc à 1L max de cristalloïdes, puis passer des produits dérivés du sang (et avoir débuté des amines si nécessaire).

      En milieu militaire, je dirais 500cc à 1L de cristalloïde aussi (ou une quantité moindre de macromolécule ou de SSH si c’est la seule chose qu’on a en dotation), et le plus rapidement possible ensuite commencer le PLYO, ou la transfusion de sang total, qui reste théoriquement l’idéal, et dont l’armée française dispose (le PLYO est facile à stocker et n’a pas besoin d’être réfrigéré, et la transfusion de sang total se fait via les militaires compatibles de l’unité via des kit disponibles sur le terrain).

      Le TCCC et le SC français ne se basent pas sur grand chose de concret pour promouvoir le SSH ou les macromolécules, mais on peut comprendre leur préconisation pour des raisons pratiques dans le milieu particulier de l’opération extérieure. C’est hélas plus du sauvetage que de la réanimation physiologique de choc hémorragique.

  23. Salut, merci pour cet article génial !

    J’ai une question concernant le Polyionique G5, dans les contre-indications sur Vidal il parlent spécifiquement de l’hyperhydratation extracellulaire et pas intracellulaire. Pourquoi ? C’est pas plutôt l’hyperhydratation intracellulaire qui risque vite de s’aggraver avec une perfusion hypotonique ?
    Merci d’avance pour votre réponse !

    • Salut, merci pour le commentaire,

      Tous les solutés sont théoriquement contre-indiqués en cas d’hyperhydratation extracellulaire. Un patient en surcharge n’a pas besoin de soluté de perfusion en particulier quand ils contient du sel…

      Par ailleurs il n’est en effet pas tellement conseillé de donner un hypotonique en cas d’hyperhydratation intracellulaire, mais l’assertion au dessus n’est pas fausse pour autant.

      De quoi nous rappeler que le VIDAL est une référence intéressante pour tout médicament, mais en ce qui concerne les solutés et les ions, leurs sections contre-indication / effets indésirables sont souvent un peu « légères », voire induisent en erreur, comme l’hyperkaliémie mentionnée en contre-indication pour le Ringer Lactate, et jamais abordée pour le NaCl 0.9%, ce qui semble être du bon sens… mais ne fait que sembler.

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